Moderna cantica (2001)

soprano et violon
commande du festival de Silvacane

partition : pdf sur demande au compositeur

créations : Anne Quentin soprano, Eric Quentin violon, abbaye de Favernay le 24 Mai 2001
festival de Silvacane, abbaye de Silvacane le 3 Juin 2001 (mêmes interprètes)

Enregistrement (extraits) :

  1. tropes 
  2. motet « la nuée » 
  3. motet « la coupe » 

Extraits de la partition :
introït et tropes
séquence
transition violon
motet « la nuée… »
motet « la coupe… »
motet « et voici… »
motet « le véritable nom… »

Présentation :
Dédié à Anne Quentin
Mise en relation du répertoire du Moyen-Age (répertoire grégorien de la Pentecôte) et de la création musicale d’aujourd’hui.

  1. Dum sanctificatus fuero in vobis Introït du IIIème mode avec tropes (textes de Didier Rimaud)
  2. Séquence de Notker  Sancti spiritus assit nobis gratia
  3. Transition violon
  4. Organum duplum  Alleluia paraclitus spiritus sanctus et motets sur clausules :

« la nuée… » (Exode chap. 24)
« la coupe… » (Pierre Reverdy)
« et voici… » (1 Rois chap 19)
« le véritable nom… » (Victor Ségalen)

L’idée séduisante, de prime abord, de retourner à la source des premières compositions médiévales, s’est révélée progressivement une expérience pertinente. En effet, les principes fondateurs de notre civilisation musicale – comme la notion de composition telle qu’elle apparaît dès le Xème siècle – représentent des sortes d’”universaux” dans lesquels on peut lire des factures toujours vivantes, voire étonnamment modernes.
Le plus difficile à assumer dans un tel projet était peut-être la coexistence stylistique. Comment, en effet jeter un pont entre des langages aussi éloignés temporellement ? Là aussi, les compositions médiévales, dans leurs audaces irréductiblement expérimentales, nous indiquent des chemins possibles : réappropriation des répertoires plus anciens, mélanges des langues…

Les tropes de l’introït, adaptés sur des textes bibliques en version latine, sont des amplifications à plusieurs degrés de la mélodie grégorienne qui multiplient la structure fondamentale dans ses composantes mélodiques et ornementales, ses “gestes premiers” (courbe monodique, neumes). Le violon propose un double, un écho de la voix qui s’intègre à la résonance.

Les quatre motets composés adaptent sur les clausules sanctus et nomine  (sections rythmées et vocalisées) de la première partie de l’organum Alleluia paraclitus de nouveaux textes en langue française choisis en résonance sémantique (à l’image des «  gloses  » médiévales)  : deux textes bibliques sur la manifestation de l’esprit/souffle, deux textes poétiques.
Les motets prolongent l’organum tant par les textes que par la musique dont l’écriture est strictement régie par les lois contenues dans les structures premières du rythme et des mélodies : la teneur isorythmique des clausules (mélodie conçue sur un cycle rythmique qui se répète en boucle) sert  de point de départ à une “giration” polyrythmique et polymétrique ; de même, les mélodies en génèrent la substance sonore.

Organum : Alleluia paraclitus spiritus sanctus quem mitet pater in nomine meo

Textes des motets  :

1  Rois 19  11-13

Et voici que YWHW passa. Il y eut un grand ouragan, si fort qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, en avant de YWHW, mais YWHW n’était pas dans l’ouragan; et après l’ouragan un tremblement de terre, mais YWHW n’était pas dans le tremblement de terre; et après le tremblement de terre un feu, mais YWHW n’était pas dans le feu; et après le feu, le bruit d’une brise légère. Dès qu’Élie l’entendit, il se voila le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la grotte.

Exode 24  15-18

La nuée couvrit la montagne. La gloire de YWHW s’établit sur le mont Sion, et la nuée le couvrit pendant six jours. Le septième jour, YWHW appela Moïse du milieu de la nuée.  L’aspect de la gloire de YWHW était aux yeux des Israélites celui d’une flamme dévorante au sommet de la montagne. Et Moïse entra dans la nuée et monta sur la montagne. Et Moïse demeura sur la montagne quarante jours et quarante nuits.

(traduction de la bible de Jérusalem)

Pierre Reverdy   “sources du vent”

Peut-être personne

La coupe s’arrondit
Soleil qui nous éclaire
Le ciel s’est entr’ouvert
Au coin de l’horizon
Les feuilles en tombant faisaient trembler la terre
Et le vent qui rôdait autour de la maison
Parle
Quelqu’un venait
Etait-ce par derrière
La nuit formait le fond
Et l’on se retournait
Les arbres simulaient un chant
Une prière
On avait peur d’être surpris
Sur le chemin les ombres s’inclinaient
On ne sait pas ce qui se passe
Il n’y a peut-être personne

Victor Segalen  « stèles”

Nom caché

Le véritable Nom n’est pas celui qui dore les portiques,
illustre les actes; ni que le peuple mâche de dépit;

Le véritable Nom n’est point lu dans le Palais même, ni
aux jardins ni aux grottes, mais demeure caché par
les eaux sous la voûte de l’aqueduc où je m’abreuve.

Seulement dans la très grande sécheresse, quand l’hiver
crépite sans flux, quand les sources, basses à
l’extrême, s’encoquillent dans leurs glaces,

Quand le vide est au cœur du souterrain et dans le
souterrain du cœur,—où le sang même ne roule
plus,—sous la voûte alors accessible se peut
recueillit le Nom.

Mais fondent les eaux dures, déborde la vie, vienne le
torrent dévastateur plutôt que la Connaissance!